Gamification
La gamification en entreprise
Depuis quelques années, le jeu-vidéo prend une place de plus en plus importante dans la société, au point d’influencer le monde du marketing et de l’entreprise. C’est ce qu’on appelle la « gamification ». De nombreuses études démontrent que les publicitaires et surtout les chefs d’entreprises utilisent des techniques issues du jeu-vidéo pour améliorer leur productivité et leur rentabilité.
Par exemple, certaines usines mettent en place des systèmes de classements entre ouvriers pour susciter un esprit de compétition et donc améliorer la rentabilité de la firme :« Alors pourquoi faire des jeux en entreprise ? Qu'apporte la gamification? Par rapport à la motivation intrinsèque, parfois faible, à venir travailler, à avoir telle fonction dans l'entreprise, elle peut donner une motivation extrinsèque par une mise en contexte, un côté ludique de classement, de positionnement, d'estime de soi, d'altruisme, d'un rôle nouveau. C'est le même principe qui est à l'œuvre lorsqu'on décide de se mettre au jogging. La motivation intrinsèque, rester en forme, perdre du poids, s'y mettre en fait, est souvent faible mais les app mobiles qui mesurent votre performance y ajoutent cette composante ludique de vouloir évoluer, s'améliorer, se mesurer à soi-même, aux autres.
La gamification, ce n'est pas introduire une couche supplémentaire ludique sur ce qu'accomplissent vos collaborateurs au sein de l'entreprise, c'est mettre les ressorts qui nous font aimer les jeux dans de le suivi des tâches, la gestion de projet, la mesure des performances de vente, le développement des produits, l'accompagnement des nouveaux engagés. Mais attention, créer un jeu en entreprise, ce qui n'a jamais été aussi facile avec le déluge des outils digitaux à disposition, n'en est qu'à ses balbutiements et connait encore plein d'échecs. Un des défis majeurs du management en entreprise, c'est identifier et communiquer la progression d'un employé, ce qu'un jeu fait facilement pour les joueurs »[1].
La « gamification » de notre société débouche aussi sur des effets idéologiques, comme le l’explique Claire Siegel : « Derrière ses promesses d’engagement, d’idéal de gouvernance, et d’amélioration par le jeu, la gamification brosse le portrait d’une vie dont le jeu est le modèle socialement dominant. Absorbée dans un jeu devenu total par le moyen de prothèses technologiques, chaque action de l’individu contemporain passe par le filtre de défis épiques et de récompenses venant flatter son ego. Loin d’émanciper l’individu contemporain, la gouvernance et l’amélioration mises en scène ne répondent que sous la condition de ressorts venant stimuler les principes de plaisir permettant au jeu de s’installer comme une évidence dans les modes de vies actuels.
Elle prend les allures d’un dealer légal qui délivre et régule le trafic de ces narcotiques ludiques entretenant « le mauvais rêve du spectacle » (Debord, 1967, p.771) auquel la société contemporaine est enchaînée. Ainsi, ses représentations structurelles traduisent les valeurs dominantes actuelles. Dans la gamification, le vivre-ensemble, l’idée de communauté, de citoyenneté, et d’intérêt général sont conditionnés par une quête du plaisir et de la jouissance personnelle »[2].
Dans ce contexte, l’éducation aux médias, à la déconstruction de ces mécanismes de manipulation issus des jeux-vidéo, devient un enjeu majeur en pédagogie. Si nous désirons former de futurs citoyens responsables, il est indispensable qu’ils aient conscience de ces enjeux, qu’ils produisent une réflexion critique sur l’impact de ce système.
« Gamifier » pour mieux enseigner
L’enseignant, à l’instar du monde de l’entreprise, peut lui aussi se réapproprier les codes du jeu-vidéo pour « gamifier » ses cours. Dans l’objectif de favoriser l’ambiance ou l’organisation de la classe, la motivation ou l’apprentissage des élèves, l’intégration du jeu-vidéo dans sa pédagogie constitue une stratégie intéressante. De nombreuses expériences en la matière existent déjà.
Exemple : Classcraft[3] : Cette application propose un exemple original de ludification de la gestion de la classe (organisation et discipline). Elle repose sur l’idée d’un jeu de rôle. Chaque étudiant peut créer un avatar et intégrer une équipe (mage, guerrier, guérisseur). Les membres de la classe vont pouvoir progresser en fonction de leur travail et leur attitude au cours. Le fait de gagner des points procure des avantages en classe et le fait d’en perdre engendre des sanctions. L’application est projetée à l’aide d’un projecteur ou d’un TBI.
Autre exemple : Laurent Di Pasquale : utilisation de Minecraft : construction de tout un cours sur Minecraft. Les élèves se baladent en VR dans le jeu que l’enseignant a développé auparavant.
[2] Siegel C. (2018), La Gamification, promesse de réenchantement du monde ?, Colloque Homo Ludens du 21ème siècle, Montpellier, France, Page 19-20 (https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01815477/document).
[3] https://www.classcraft.com/fr/