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L’impact de la révolution numérique sur la société

 

Depuis une dizaine d’années environ, l’érosion exponentielle des technologies d’Information et de Communication ont radicalement transformé notre rapport au monde. Lors du cours d’Apports des Médias et TIC, les questions de la transformation de notre rapport à l’espace (« village global »), au temps (accélération jusqu’à l’anticipation) et à notre propre corps (transhumanisme) sont envisagées. Michel Serres, dans son livre Petite Poucette, expose ce changement :

 

« Vous annoncez qu’un « nouvel humain » est né. Qui est-il ?[1]

Je le baptise Petite Poucette, pour sa capacité à envoyer des SMS avec son pouce. C’est l’écolier, l’étudiante d’aujourd’hui, qui vivent un tsunami tant le monde change autour d’eux. Nous connaissons actuellement une période d’immense basculement, comparable à la fin de l’Empire romain ou de la Renaissance. Nos sociétés occidentales ont déjà vécu deux grandes révolutions : le passage de l’oral à l’écrit, puis de l’écrit à l’imprimé. La troisième est le passage de l’imprimé aux nouvelles technologies, tout aussi majeure. Chacune de ces révolutions s’est accompagnée de mutations politiques et sociales : lors du passage de l’oral à l’écrit s’est inventée la pédagogie, par exemple. Ce sont des périodes de crise aussi, comme celle que nous vivons aujourd’hui. La finance, la politique, l’école, l’Eglise et citez-moi un domaine qui ne soit pas en crise ! Il n’y en a pas.

Et tout repose sur la tête de Petite Poucette, car les institutions, complètement dépassées, ne suivent plus. Elle doit s’adapter à toute allure, beaucoup plus vite que ses parents et ses grands-parents. C’est une métamorphose ! Cette mutation, quand a-t-elle commencé ? Pour moi, le grand tournant se situe dans les années 1965-1975, avec la coupure paysanne, quand la nature, notre mère, est devenue notre fille. En 1900, 70% de la population française travaillait la terre, ils ne sont plus que 1% aujourd’hui. L’espace vital a changé, et avec lui « l’être au monde », que les philosophes allemands comme Heidegger pensaient immuable. La campagne, lieu de dur travail, est devenue un lieu de vacances. Petite Poucette ne connaît que la nature arcadienne, c’est pour elle un terrain de loisirs et de tourisme dont elle doit se préoccuper.

L’avenir de la planète, de l’environnement, du réchauffement climatique et tout est bousculé, menacé. Prenons l’exemple du langage, toujours révélateur de la culture : il n’y a pas si longtemps, un candidat au concours de l’Ecole normale était interrogé sur un texte du XIXe siècle qui parlait de moissons et de labourage. Le malheureux ignorait tout le vocabulaire ! Nous ne pouvions pas le sanctionner, c’était un Petit Poucet qui ne connaissait que la ville. Mais ce n’est pas pour ça qu’il était moins bon que ceux des générations précédentes. Nous avons dû nous questionner sur ce qu’étaient le savoir et la transmission. »[2].

Avec la mise en place récente de ce que l’on nomme le Big Data, l’emprise de la technologie sur notre vie risque de devenir holistique (monopolisant l’ensemble du système, mais également des individus qui le compose). Notre exploration du monde est en permanence contrôlée, dirigée à des fins idéologiques et publicitaires. Les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) enregistrent de manière « philanthropique » nos données, les interprètent (algorithmique) afin de cibler nos profils, de nous orienter.

Ces dernières années, ces grandes multinationales ont acquis un tel pouvoir (récolte de milliards de données, économiques, et même politique) qu’elles pourraient prétendre au fait de nous contrôler et de nous diriger, notamment grâce à l’utilisation d’algorithmes prédictifs : anticipation de vos modes de consommation (publicité ciblée), de vos intentions de vote, de votre futur partenaire sexuel (sites de rencontre de type Meetic ou Tinder), …

Cette massification des données comporte de nombreux avantages au niveau de l’accès à la connaissance mais présente également de nombreux dangers :

  • La surinformation : l’accès à des milliards de données ne nous donne pas pour autant l’ensemble de la connaissance des données accessibles. En effet, les informations sont tellement importantes qu’elles se perdent, que notre esprit n’est plus capable de faire le tri ni de les interpréter (pour donner un exemple éloquent, c’est la même impression que si dix personnes vous parlaient en même temps). Il est impossible de visiter l’entièreté des pages proposées par Google dans la plupart des recherches effectuées.

 

  • La perte de sens : dans les médias antérieurs à internet (publications écrites, TV, radio, …), les informations étaient soumises à un vérificateur avant d’être publiées. Le web a brisé cette barrière et permet à tout le monde de publier des informations sans qu’elles ne soient vérifiées. Il existe de nombreux sites présentant des fausses informations, parfois massivement relayées en ligne. Il n’y a plus de contrôle sur la transmission du savoir. Ce constat peut avoir des conséquences positives (la population retrouve un espace de pouvoir : émergence par les réseaux sociaux du printemps arabe ou du mouvement des gilets jaunes) ou négatifs (exemple : fake news sur les réseaux sociaux, théories conspirationnistes, …)

 

  • Elle n’a pas tenu ses promesses : la révolution technologique n’a pas modifié intrinsèquement la société, comme certains experts l’avaient prédit. Lors de la popularisation d’internet dans les années 90, on annonçait une révolution qui allait élever culturellement la population mondiale. Lorsqu’on fait le bilan, on remarque avec le temps que les effets espérés n’ont pas eu lieu. Certains pensent même que la direction prise est inverse (pornographie, culte de l’image sur les réseaux sociaux, acculturation via des plateformes comme Netflix ou Spotify).

 

[1] Source image de présentation de M. Serres : André J-L et Léris A. (2018), Simplissime, Le livre Philo le + simple du monde, Vanves, France, Editions HACHETTE LIVRE (Hachette Pratique).

[2] Source extrait: http://www.educationetdevenir.fr/IMG/article_PDF/article_534.pdf, en référence à Serres M. (2012), Petite Poucette , Paris, France, Editions LE POMMIER.

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